Réflexion préalable sur le projet

Pour une production plus diversifiée et mieux distribuée au long de l’année

De nombreux agriculteurs cherchent à valoriser une production plus diversifiée et souhaitent ainsi élargir la gamme des produits provenant d’une même parcelle agricole en étalant les productions au cours de l’année. De plus, cette diversification permet de gagner en stabilité économique en cas d’aléas climatiques et de variation des prix du marché.

L’introduction d’une production complémentaire dans la parcelle entraîne une réorganisation du temps de travail, permettant parfois de lisser les pics et les creux de travail. Cependant, la charge de travail globale a tendance à augmenter : il est nécessaire d’être attentif à ce critère et de le prendre en compte avant de commencer le projet.

Pour des raisons agronomiques et environnementales…

A l’échelle du système arbre/culture

L’introduction de fruitiers au sein des parcelles de cultures est motivée par des raisons agronomiques car l’arbre apporte de nombreux bénéfices au sein de l’association arbre/culture.

L’association d’arbres et de cultures vise une optimisation de l’énergie solaire grâce à une photosynthèse maximisée par unité de surface de production. La conception de systèmes agroforestiers s’inspire des écosystèmes naturels pour aboutir à des agrosystèmes viables, productifs et peu dépendants des intrants (fertilisation, protection phytosanitaire).

En augmentant la diversité des cultures, l’augmentation de la biodiversité fonctionnelle (Éléments de biodiversité végétale ou animale qui vont rendre un service utile à l’agriculteur est attendue, avec les services écosystémiques associés. L’augmentation du nombre de pollinisateurs se traduit par un gain à la fois quantitatif (poids de la récolte) et qualitatif (produits bien formés, plus riches en sucres ou autres substances recherchées).

De par la présence accrue d’auxiliaires, des mécanismes de lutte biologique de conservation s’opèrent contre les ravageurs des cultures, permettant une réduction de l’usage de produits phytosanitaires.

Les arbres peuvent également jouer un rôle dans l’amélioration de la fertilité des sols. En améliorant l’infiltration de l’eau, ils permettent de limiter l’érosion du sol et d’amplifier la capacité de rétention de l’eau dans le sol.

L’arbre est aussi un formidable outil de recyclage. La décomposition des feuilles et des racines fines des arbres enrichit le sol en matière organique en surface, apportant une stabilité au sol et un apport en éléments minéraux via la création d’un humus stable. L’activité des racines des arbres en profondeur permet en outre de limiter la pollution des eaux par les nitrates par prélèvement de l’azote du sol non capté par les cultures. Les acides et bases secrétées par les racines attaquent les minéraux des roches, aboutissant à la création de l’argile et à la libération d’éléments minéraux dans l’eau du sol. L’arbre agit donc comme une véritable pompe à nutriments. De plus, grâce à un réseau racinaire important, les phénomènes de mycorhization sont favorisés et participent à l’amélioration de la fertilité des sols.

Enfin, l’introduction d’arbres dans les parcelles permet la modulation des conditions micro-climatiques. L’effet brise-vent des linéaires d’arbres limite les stress climatiques sur les cultures. De plus, l’association de l’effet d’ombrage et de l’effet brise-vent se traduit par une augmentation de l’humidité de l’air. Cela aboutit à réduire la demande en eau des cultures, donc de minimiser les apports d’irrigation.

A l’échelle de la ferme

Un des objectifs des systèmes agroforestiers est l’optimisation des surfaces utilisées et des rendements (volumes de production, revenus) obtenus par unité de surface et/ou par unité de main d’oeuvre. Ce qui importe est l’efficience globale du système, quand bien même le rendement en association peut se révéler moindre que celui qu’il serait en culture pure. Ainsi, la comparaison d’une parcelle agroforestière et de l’assolement culture-plante pérenne est pertinente. On utilise la surface équivalente de l’association (SEA), ou Land Equivalent Ratio (LER). La productivité globale des parcelles agroforestières peut atteindre jusqu’à 30% de biomasse en plus que sur une exploitation où les productions sont séparées.

La plus-value de ces associations est d’autant plus intéressante à considérer dans des zones où l’accès au foncier agricole est complexe. Outre l’intérêt agronomique de la création d’un microclimat, les effets d’ombrage apportés par la verticalisation de la production procurent des meilleures conditions de travail aux producteurs, notamment lors de périodes très chaudes.

Quels éléments socio-techniques sont à prendre en compte ?

Avant de concevoir le système technique à proprement parler, il convient de s’interroger en amont et de façon pragmatique sur quelques éléments techniques, sociaux, économiques et organisationnels à prendre en considération dans l’optique de création d’un verger maraîcher.

Objectifs & motivations personnelles

A ces questions, plusieurs éléments de réponses doivent être apportés en fonction des objectifs du producteur :

Compétences techniques nécessaires

L’arboriculture fruitière ne s’improvise pas. Il convient donc d’adapter son atelier arboricole à sa capacité à bien le mener, aussi bien en termes de surface et de nombre d’arbres plantés que de choix variétal. En effet, beaucoup de maraîchers plantent des fruitiers mais les négligent les premières années, tant qu’ils ne sont pas productifs (défaut de taille, de suivi phytosanitaire, etc.). Un cercle vicieux s’installe alors car les arbres s’installent mal, végètent, et perdent  progressivement en intérêt et en productivité.

L’arbre fruitier se cultive et s’entretient au même titre que les autres cultures, mais en arboriculture, la gestion des années passées a des répercussions directes sur la production des années à venir. L’entretien des fruitiers dès leur implantation, leur taille aux moments opportuns et une gestion correcte de la concurrence entre les arbres en cours d’installation et les cultures sont nécessaires pour s’assurer d’une production fruitière correcte dans les années qui suivent. Préalablement à l’implantation des fruitiers, une formation en arboriculture est donc vivement encouragée. Le temps consacré à la formation sera largement amorti par la suite !

Au-delà même d’une formation globale sur l’arboriculture, le producteur doit connaître a minima les cultures fruitières qu’il introduit dans son système. Le mode de conduite et la taille ne sont en effet pas les mêmes entre un pommier et un cerisier, mais ils sont également différents pour une même espèce, entre un arbre à port dressé ou un arbre à port étalé. Cette formation doit également permettre d’identifier clairement les espèces fruitières qui peuvent être mieux adaptées à la région et au contexte pédoclimatique de la parcelle, au système de production, en fonction des espèces légumières produites, du parcellaire, des contraintes de mécanisation, etc. Une formation en agriculture biologique est particulièrement pertinente dans ces systèmes où la diversité et la proximité des différentes cultures rend les traitements phytosanitaires très compliqués à mettre en œuvre (du point de vue technique mais aussi réglementaire).

Contraintes organisationnelles

Le temps et l’organisation du travail sont deux éléments majeurs déterminant la capacité à diversifier et à complexifier le système de production. Il est important d’avoir une bonne connaissance des périodes de pics de travail pour éviter d’y ajouter des charges supplémentaires liées à l’atelier arboricole, qui est de surcroît assez exigeant au niveau du respect des dates de travaux (ex : la récolte doit être effectuée quasiment au jour près, l’éclaircissage les quelques jours suivants la nouaison, etc). Un simple calendrier annuel peut aider à mieux évaluer les disponibilités en temps au fil des saisons et permet ensuite de le faire correspondre au calendrier de travail indicatif du nouvel atelier envisagé (voir calendrier de travaux par espèce sur l’onglet suivant) :

Si votre calendrier de travail n’est pas compatible avec celui de l’atelier arboricole, travailler en collectif peut être un bon levier d’actions pour essayer de satisfaire votre besoin en main d’oeuvre en échange d’un service que vous rendrez ultérieurement aux agriculteurs qui sont venus vous prêter main forte. Les GAEC ou tout autre forme d’associations entre exploitants permettent donc de mieux appréhender la charge de travail supplémentaire que représente l’implantation de fruitiers.

Le circuit de commercialisation et les moyens de conservation envisagés sont également des éléments à prendre en compte dans la réflexion globale du projet de diversification, car ils détermineront le choix des espèces et variétés adaptées à ces contraintes organisationnelles. Il est donc primordial de songer aux questions suivantes avant de faire votre choix de matériel végétal :

  • Sur quelle durée pensez-vous avoir besoin de conserver vos fruits ?
  • Envisagez-vous de vous équiper ou de disposer d’une chambre froide ?
  • Allez-vous commercialiser vos fruits en circuit court ou long, impliquant des contraintes de stockage différentes ?

Contraintes de matériel

La gestion d’arbres fruitiers suppose d’avoir recours à du matériel spécifique (usage professionnel), notamment :

  • pour la taille des arbres
  • pour le travail du sol (motoculteur ou outil tracté si les arbres sont accessibles)
  • pour l’entretien du pied de l’arbre (débroussailleuse, outils de travail du sol)
  • pour le traitement des arbres (lorsqu’il est envisageable au vu des cultures voisines)
  • pour la récolte (seaux de récolte, caisses ou palox, brouettes de récolte)

Il faut donc envisager de potentiels investissements concernant le matériel, bien que des solutions alternatives existent (CUMA, adaptation de votre matériel existant afin de pouvoir l’utiliser pour les fruitiers…). Il est important de prendre en compte le matériel que vous possédez d’ores et déjà sur l’exploitation dans la réflexion du système agroforestier que vous allez implanter.

Contraintes pédoclimatiques des parcelles

La région de production conditionne d’une part le contexte climatique, ce qui engendrera la nécessité de faire des adaptations en termes d’espèces, de porte-greffe ou de variétés. Cependant, même si certaines espèces ont des exigences en termes de température, il est possible de faire pousser des arbres fruitiers dans toutes les régions, sous réserve de disponibilité suffisante en eau. D’autre part la région de production influence aussi la densité de plantation, selon le niveau d’ombrage attendu. En effet, on pourra planter de façon plus resserrée dans le Sud où l’ensoleillement est important et où l’ombrage peut apporter un effet favorable à certaines cultures annuelles. Dans  le Nord (au-dessus de la Loire), cet ombrage constituera plutôt un frein à éviter, et l’espacement entre les arbres et entre les lignes d’arbres devra donc être adapté en conséquence. L’orientation conseillée pour les lignes d’arbres est généralement nord/sud, pour éviter l’ombrage sur les cultures annuelles et pour une récolte des fruits plus homogène, cependant elle peut être ouest/ est dans les régions plus ensoleillées, pour obtenir un gradient d’ombrage parallèle aux arbres et implanter des cultures en fonction de leur adaptation à l’ombre.

Les cas particuliers de parcelles en pente ou exposées au vent doivent néanmoins être considérés en priorité pour adapter les plantations à ces contraintes. Il est possible de planter ses arbres en quinconce pour limiter ces problèmes. Certains agriculteurs choisissent d’installer des terrasses pour cultiver sur pentes, selon les courbes de niveaux, pour limiter les phénomènes de ruissellement et donc de pertes d’éléments.

Le pH du sol, son caractère hydromorphique et plus généralement ses propriétés physico-chimiques, conditionnent le choix des espèces fruitières et des porte-greffes. Une analyse du sol, complétée par un profil de sol, permettront de connaître le type de sol afin d’optimiser ce choix.

La profondeur du sol conditionne la réussite du projet agroforestier : un sol profond qui laisse de la place à l’enracinement des arbres sans concurrencer les cultures en surface est préférable. Dans le cas d’un sol plus superficiel, les racines des arbres et celles des autres cultures se retrouveront dans le même horizon et se feront concurrence pour l’eau et les éléments nutritifs. Dans ce cas, les racines des arbres seront également beaucoup plus exposées aux passages d’outils de travail du sol. Ces passages peuvent avoir un effet négatif sur les arbres si le sol est peu profond, ou au contraire les inciter à former des racines en profondeur, ce qui limite le risque de concurrence dans les horizons superficiels du sol.

Généralités sur les arbres fruitiers greffés

 Un arbre fruitier cultivé est, dans la grande majorité des cas, un arbre greffé composé d’un porte-greffe, adapté au sol, qui va conférer une certaine vigueur au plant et qui peut présenter une résistance à certaines maladies, et d’un cultivar sélectionné par rapport à ses caractéristiques de production (rendement, maturité, qualité du fruit…), à sa résilience face aux facteurs biotiques et abiotiques, et en particulier à sa sensibilité aux maladies et ravageurs. En greffant, on associe ainsi les qualités du porte-greffe à celles du greffon, de manière complémentaire.

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Le choix variétal et le choix du porte-greffe associé est donc déterminant dans la réalisation de votre projet agroforestier. Les arbres fruitiers seront en effet bien différents en fonction de cette sélection, impactant les itinéraires techniques que vous devrez mettre en œuvre. Prenons l’exemple de la caractéristique de vigueur avec deux types de porte-greffes :

Représentation des hauteurs moyennes des arbres selon les porte-greffes de pommier