De nouveaux ravageurs en arboriculture ?

L’émergence et la résurgence de ravageurs inquiètent les arboriculteurs bio. Ces deux termes cachent une réalité assez complexe. En effet, de nombreuses configurations existent selon le niveau de risque d’introduction ou d’invasion des ravageurs, leur distribution, leur vitesse de développement, le niveau de dégât potentiel, leur comportement dans un nouvel environnement…
Parmi les 9 ravageurs émergents identifiés pour l’arboriculture, 8 n’ont pas encore été observés en France métropolitaine. Seule la présence de la mouche orientale des fruits (Bactrocera dorsalis) a été détectée en France depuis 2019. L’identification rapide des foyers permettant un meilleur contrôle, voici donc quelques éléments pour aider à les reconnaître
.

Par Claude-Eric Parveaud, relecture Laetitia Fourrié – Décembre 2023


7,5 espèces introduites en France chaque année !

Sur la période 2014-2020, 52 nouveaux organismes extra-européens ravageurs des cultures et des forêts ont été introduits par l’activité humaine (Mouttet et al., 2020). Parmi ces espèces, les plus représentés sont les Hémiptères (37%) et les Coléoptères (35%), originaires d’Asie (44%) et d’Amérique du Nord (23%). La majorité de ces espèces concernent les filières ornementales (50%) et forestières (23%) ; l’arboriculture est moins concernée (13%). Le nombre moyen d’introduction d’insectes ravageurs en France métropolitaine est de 7,5 espèces par an : il est assez stable depuis 2000. Les spécialistes estiment qu’il est très complexe de prédire le succès ou de l’échec d’une invasion car les espèces interagissent le plus souvent de façon aléatoire, et le rôle des facteurs environnementaux est difficile à intégrer (Sauvion et al. 2013).

Les causes d’apparition de nouveaux ravageurs

Identifier les facteurs favorisant l’émergence des ravageurs est délicat : de nombreux facteurs sont liés, et certaines données manquent à la compréhension des mécanismes. L’analyse menée par Sarakatsani et al. (2022) permet de donner une image intéressante des principaux facteurs explicatifs. A partir des bulletins d’information mensuels de l’EFSA publiés entre juin 2021 et septembre 2022, 46 articles ont été retenus, chacun d’entre eux se rapportant à une espèce de ravageur différente. Les échanges liés au commerce apparaissent comme un des facteurs principaux sur la période analysée. Les capacités de dispersion, l’évolution des ravageurs (par croisement par exemple) ou des plantes asymptomatiques devenant symptomatiques dans des nouvelles conditions sont également des facteurs mentionnés fréquemment. Parmi les pratiques agricoles, l’augmentation de la surface de la plante hôte est la première raison identifiée. Notons que le perfectionnement des techniques d’identification permet d’améliorer significativement leur détection.

Facteurs explicatifs de l’émergence des ravageurs. Schéma adapté de l’étude bibliographique de 46 ravageurs menée par Sarakatsani et al. (2022) à partir des bulletins produits par l’EFSA entre juin 2021 et septembre 2022. Les chiffres entre parenthèse indiquent les facteurs identifiés dans les publications. Pour chaque ravageur, un ou plusieurs facteurs ont été identifiés

Quels insectes à surveiller dans les vergers ?

Fulgore tacheté – Lycorma delicatula – Hémiptère

Source : invasive.org

Organisme de quarantaine : oui

Origine : Chine

Présence en France : non. Présent en Amérique du Nord depuis 2014.

Espèces fruitières concernées : pommier, prunier, pêcher, abricotier, vigne.

Dégâts et symptômes : Les adultes et les larves se nourrissent en suçant la sève des feuilles et des tiges. La sève qui s’échappe des blessures infligées par le ravageur détermine des plages grises ou noires sur les tiges, les branches ou le tronc de l’arbre hôte.

Scarabée japonais – Popillia japonica – Coléoptère

© INRAE Marguerite Chartois

Organisme de quarantaine : oui

Origine : Japon

Présence en France : non

Espèces fruitières concernées : Fruits à coque, fruits à noyau (dont amandier), fruits à pépins, petits fruits, vigne.

Dégâts et symptômes : les feuilles des plantes attaquées sont découpées en dentelle. Les feuilles finissent par brunir et tomber. Les larves se nourrissent surtout de racines (graminées, fraisiers, tomate, maïs, soja).

Capricorne asiatique des agrumes – Anoplophora chinensis – Coléoptère

Source : invasive.org

https://gd.eppo/int

 

Organisme de quarantaine : oui

Origine : Asie

Présence en France : présent en 2003 (Ardèche, Reims), éradication confirmée en 2019. Présent en Italie.

Espèces fruitières concernées : nombreuses espèces forestières, fruits à coque, fruits à noyau (dont amandier), fruits à pépins, petits fruits, vigne.

Dégâts et symptômes : Les larves xylophages creusent des galeries dans la partie basse du tronc, entrainant un affaiblissement et éventuellement la mort de l’arbre. Anoplophora glabripennis est une espèce proche qui s’attaque pour le moment uniquement aux espèces forestières.

Eurytoma schreineri – Hyménoptère

Source : www.nexles.fr
Dégâts sur noyau. Source : Claude-Eric Parveaud

 

Organisme de quarantaine : non

Origine : Russie

Présence en France : non déclarée. Présent en Bulgarie, Roumanie, République Tchèque (2012).

Espèces fruitières concernées : abricotier, prunier.

Dégâts et symptômes : Les larves se nourrissent à l’intérieur des noyaux de prunes. Les fruits attaqués ressemblent visuellement aux fruits sains. Les fruits infestés chutent et se dessèchent. Les noyaux tombés sur le sol présentent un trou circulaire de 1 à 2mm.

Méthode de contrôle : en condition contrôlée, 100% de mortalité avec le spinosad. Les pièges englués de couleur jaune sont les plus efficaces.

Cochenille des agrumes – Delottococcus aberiae – Hémiptère

www.infoagro.com

Organisme de quarantaine : oui

Origine : sub-saharienne

Présence en France : non déclarée. Présent en Espagne (2009).

Espèces fruitières concernées : agrumes, goyavier, olivier, poirier.

Dégâts et symptômes : Dans son aire d’origine, elle n’est pas nuisible sur citrus. En revanche, elle provoque en Espagne des déformations des jeunes fruits sur clémentinier. Les larves et les adultes se nourrissent du phloème du fruit, entrainant leur décoloration, leur déformation et parfois leur chute. Le miellat produit par les cochenilles peut entrainer le développement de fumagine. Son introduction en France pourrait être préjudiciable en Corse, importante zone de production d’agrumes (Germain, 2014).

Mouche de la pomme – Rhagoletis pomonella – Diptères

(c) Tom Murray

Organisme de quarantaine : oui

Origine : Amérique du Nord

Présence en France : non.

Espèces fruitières concernées : essentiellement la pomme, l’aubépine ; les espèces de Prunus et la poire de façon minoritaire..

Dégâts et symptômes : L’adulte se reconnaît grâce à ses quatre bandes noires irrégulières ou en zigzag sur les ailes. Les piqûres sur fruits sont reconnaissables à la présence d’un creux à la surface du fruit. L’aspect du fruit peut devenir irrégulier à cause de cette tache creuse ou à cause de l’alimentation des larves. Les larves peuvent être détectées en ouvrant le fruit car elles laissent une trace brune en se déplaçant dans la chair du fruit pendant qu’elles se nourrissent. L’abscission prématurée du fruit peut être un signe clair de la présence de R. pomonella, provoquant la pourriture du fruit sur le sol..

Mouche orientale des fruits – Bactrocera dorsalis – Diptère

Source : invasive.org

Organisme de quarantaine : oui

Origine : Asie

Présence en France : oui, depuis 2019.

Espèces fruitières concernées : C’est une espèce extrêmement polyphage (400 hôtes identifiés sauvages et cultivés) : pêche, pomme, prune, cerise, …

Dégâts et symptômes : Les femelles pondent préférentiellement dans les organes mûrs, mais des pontes peuvent être observées sur des organes en cours de maturation. La larve se nourrit de la pulpe, entraînant pourrissement et coulures, et chute prématurée des fruits.

Méthode de contrôle : Prophylaxie (ramassage fruits pourris au sol), lutte directe (insecticides) et indirecte (filet, favoriser les parasitoïdes).

Longicorne à col rouge – Aromia bungii – Coléoptère

Au stade larvaire (photo Raphaëlle Mouttet, ANSES)
Au stade adulte – mâle et femelle (photos Marguerite Chartois, INRAE)

Organisme de quarantaine : oui

Origine : Asie

Présence en France : non. En cours d’éradication en Allemagne (2011) et en Italie (2012).

Espèces fruitières concernées : espèces forestières, toutes les espèces de Prunus, noyer, olivier, grenade.

Dégâts et symptômes : Les larves se nourrissent du bois en creusant des galeries dans l’écorce. Il peut compromettre le rendement des arbres fruitiers et affaiblir considérablement ou même tuer les arbres qu’il infeste.

Charançon du prunier – Conotrachelus nenuphar – Coléoptère

https://gd.eppo/int

Organisme de quarantaine : oui

Origine : Etats-Unis

Présence en France : non.

Espèces fruitières concernées : abricot, cerise, prune, pêche, kaki, coing, poire, petits fruits.

Dégâts et symptômes : Les cicatrices de ponte sont en forme de demi-lune, elles se distinguent facilement des cicatrices rondes de 2 à 3 mm produites par les adultes qui se nourrissent des fruits en développement. Les cicatrices de ponte s’étendent et deviennent plus évidentes à mesure que le fruit grandit.

Surveiller la présence de nouveaux ravageurs

Au niveau national, la plateforme d’Epidémiosurveillance de la Santé du Végétal (ESV) est une initiative de 7 structures partenaires publiques et privées, chargées de l’amélioration des dispositifs de surveillance sanitaire des végétaux. Des fiches de reconnaissances des organismes réglementés ou émergents sont disponibles en ligne.

Au niveau européen, deux sites regroupant des informations très utiles (biologie, carte de présence, identification, plantes hôtes, statut réglementaire) peuvent être consultés :

AGIIR : Aidez à identifier les premiers foyers !

L’application AGIIR permet de reconnaître plusieurs insectes invasifs et de déclarer leur présence. Grâce à des photos et planches descriptives avec critères de reconnaissance, il est possible d’identifier aisément les ravageurs et les autres insectes prêtant à confusion. Une fois un insecte suspicieux repéré, vous pouvez signaler sa présence en envoyant un court formulaire en ligne avec photographies.

Bibliographie utilisée

Sarakatsani et al. (2023), Mouttet et al (2020), Sauvion et al. (2013), Germain et al. (2014)

Remerciements

Merci aux auteurs de nous avoir autorisés à utiliser leur(s) photo(s) dans cet article.

La production de cet article a été financée dans la cadre de l’action PRDAR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes soutenue par le CASDAR du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire. La responsabilité du ministère en charge de l’agriculture ne saurait être engagée.