Renforcer le contrôle des acariens tétranyques de l’aubergine par les auxiliaires Phytoséiides

Résultats du projet Habalim (2020-2022)

Par Jérôme Lambion, mars 2023

L’aubergine est une culture très sensible à de nombreux ravageurs et maladies. Parmi eux, les acariens tétranyques s’avèrent particulièrement dangereux. Appréciant les conditions chaudes et sèches, ils apparaissaient habituellement au début de l’été mais leurs attaques surviennent désormais bien plus tôt, début mai, la faute au réchauffement climatique ? En AB, les moyens de gestion de ces ravageurs sont limités, et les conventionnels font eux-mêmes face à l’interdiction de nombreux acaricides. Les auxiliaires utilisés en lutte biologique sont essentiellement des acariens Phytoséiides. Malheureusement, leur installation dans les cultures d’été est assez aléatoire, et leur maintien, notamment au cœur de l’été, est assez rare (absence de proies, climat trop sec ?). Dans le cadre du projet CASDAR Habalim (2020-2022), le Grab a testé deux stratégies visant à renforcer l’installation des Phytoséiides en agissant sur l’environnement des cultures, en répondant ainsi aux exigences biologiques des Phytoséiides, auxiliaires fragiles mais potentiellement efficaces. Si les résultats observés du nourrissage direct de ces acariens ne semblent pas concluants, la création de zones refuges par paillage se révèle une piste prometteuse pour limiter les populations d’acariens tétranyques.


Nourrir les auxiliaires : une solution peu efficace et trop chère

Le nourrissage des Phytoséiides a été testé dans l’objectif de compenser l’absence éventuelle de proies dans la culture. Du pollen de Typha (la massette des étangs) ou des acariens des denrées (Thyreophagus entomophagus), non dommageables à la culture, ont été saupoudrés sur les feuilles d’aubergine au moment des apports de Phytoséiides dans la culture pour améliorer leur installation. L’effet du pollen de Typha semble très faible et l’apport d’acariens-proies a un effet très fugace au moment de l’installation des auxiliaires. De même, lorsque les populations de Phytoséiides régressent en été, le nourrissage avec des acariens-proies ne suffit pas à endiguer la baisse des populations d’auxiliaires. Il faudrait nourrir beaucoup et longtemps pour observer une efficacité, ce qui semble irréaliste au niveau économique.

Pailler les aubergines renforce l’efficacité des Phytoséiides

A l’instar d’une première expérience positive de l’ASTREDHOR sur rose-fleur coupée pour gérer le thrips, différents paillages végétaux ont été épandus au sol, sur le rang d’aubergine, en couche de 4-5 cm, par-dessus le paillage plastique. L’hypothèse testée est que ces paillages peuvent constituer des milieux de vie dans lesquels les Phytoséiides peuvent se réfugier lorsque les conditions dans la culture deviennent hostiles dans la culture (trop chaud, trop sec, pas assez de proies, un traitement…). Des bassinages réguliers sont réalisés dans tout le tunnel. Les cosses de sarrasin, et dans une moindre mesure le broyat de chanvre, ont permis une meilleure colonisation des feuilles d’aubergine, et des effectifs de Phytoséiides plus importants que les simples lâchers sur une culture sur paillage plastique classique. Les résultats sont confirmés pour des espèces différentes de Phytoséiides, et les piégeages au sol indiquent une présence importante de Phytoséiides dans les paillages végétaux, où ils peuvent trouver un milieu suffisamment humide, et de petites proies à consommer. En 2021, le lâcher de Phytoséiides associé à la présence de cosses de sarrasin a permis de diviser par trois l’attaque d’acariens, par rapport au témoin lâcher seul.

 

Réduction de l’attaque d’acariens en 2021 grâce aux cosses de sarrasin

Cette piste de travail est très encourageante, car les leviers de gestion des acariens sont malheureusement rares. Les paillages (et en particulier les cosses de sarrasin) valent encore assez chers et peuvent avoir des impacts sur l’hygrométrie et le réchauffement du sol, l’enherbement, la fertilité… Il reste donc du chemin afin de pouvoir proposer un itinéraire technique conciliant efficacité et coût raisonnable.

 

Cosses de sarrasin épandues au pied des aubergines

Cette action a reçu le soutien financier du CASDAR