1979-1986 : La création – Denis Lairon – Président –

Le contexte à cette époque, c’est-à-dire il y a 30 ans, était totalement différent de celui d’aujourd’hui. Il n’y avait pas de reconnaissance officielle, ni française, ni européenne, de l’agriculture biologique (AB). Dans un climat totalement hostile, quelques milliers d’agriculteurs soutenus par une poignée de techniciens militants produisaient en Bio (AB) en respectant des cahiers des charges d’organisations (Nature et Progrès, Demeter, Lemaire &Boucher, …). La demande des consommateurs était limitée et progressait faiblement, et de ce fait la production ne se développait pas beaucoup. L’INRA était regardé dans ce milieu Bio comme un outil du développement de l’agriculture de type industrielle et productiviste, antinomique de l’AB.

En tant que citoyen je m’intéresse en 1975 à l’AB, jardine bio, adhère à Nature et Progrès. Jeune chercheur de l’INSERM dans le domaine biochimie-nutrition, je réalise que la meilleure façon d’avoir une bonne alimentation est d’optimiser la qualité au stade de la production, en particulier de réduire voire supprimer les contaminations par des résidus toxiques : c’est ce que proposait l’AB. La lecture de « l’Agriculture biologique » de Claude Aubert, basé sur beaucoup de données scientifiques, m’interpelle en tant que chercheur. Avec lui, j’ai l’opportunité de visiter l’Institut de recherche en agriculture biologique (FIBL) à Oberwill en Suisse : je suis séduit par leur démarche de R & D, la qualité scientifique de leurs projets, les collaborations avec les agriculteurs et les institutions.

En France, nous n’avions rien de ce type bien que les besoins soient énormes, alors vient l’idée de créer une structure. Avec Rémi Combes, maraîcher AB pionnier dans notre région, qui met à notre disposition une parcelle de terre, son matériel et son expérience, et avec quelques amis, nous créons le GRAB, association loi 1901, en 1979. Dans mon laboratoire de l’INSERM à Marseille, je développe des moyens d’analyse (vitamines, minéraux, nitrates). Rapidement, nous commençons des essais en plein champ pour comparer des modes de fertilisations sur les rendements et la qualité. Je prends des contacts avec des chercheurs de l’INRA, nombreux ont des compétences et de l’intérêt pour la matière organique, la lutte biologique, mais l’AB dérange. Pourtant François Féron, Directeur du centre INRA d’Avignon s’intéresse à notre démarche et nos expérimentations, et organise à l’INRA la première réunion de chercheurs sur l’AB : l’isolement prend fin ! Le Parc naturel régional du Luberon soutiendra notre première demande de subvention au Conseil Régional et d’autres vont suivre : le GRAB était lancé !. En 1984, j’ai négocié un plan de développement de l’AB avec le Conseil Régional PACA. Grâce au travail d’objecteurs comme Bruno Taupier-Letage, Robert Desvaux et bien d’autres, nous mettons sur pied à Cucuron une station expérimentale avec une serre pour des cultures en pots et un dispositif de 25 bacs lysimétriques pour étudier le lessivage sous culture sur 5 ans. Nous réalisons une étude comparative sur légumes en comparant des paires d’exploitations AB ou conventionnels. Une thèse de spécialité puis la Thèse d’Université de Blaise Leclerc, plusieurs articles scientifiques et des présentations de résultats à des congrès scientifiques français et internationaux sanctionnent tout ce travail : nous sommes reconnus et appréciés, objectif atteint !

En sus des travaux sur la qualité liés à mon investissement personnel, nous développons des recherches pour améliorer les techniques de productions, comme sur le désherbage thermique avec Marc Trouilloud ou la lutte biologique avec le domaine de Gotheron de l’INRA.

Neuf ans après, des différents personnels et sur la stratégie, me conduiront à cesser mes activités au sein du GRAB, qui heureusement, est toujours bien présent 30 ans après.

Dans d’autres régions de France, l’exemple du GRAB fait des émules, des groupes de R&D pour l’AB se créent ! Cependant, conscient des limites du GRAB face aux besoins et enjeux, je suis persuadé de la nécessité d’une structure nationale de R &D pour aider au développement de l’AB, en relations avec les institutions. La formule d’un Institut technique nous paraît la plus appropriée au contexte français et à quelques-uns, nous créons alors l’ITAB, qui joue son rôle national à présent.

30 ans après, le GRAB continue, l’AB est reconnue, appréciée comme une alternative d’intérêt et se développe beaucoup, même si la France a encore de grands progrès à faire. Nous y avons contribué par le GRAB et nos travaux, reste maintenant à poursuivre cette aventure dans ce nouveau contexte.

Denis LAIRON
Marseille, déc. 2009
Directeur de recherche à l’INSERM

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