Techniques de gestion de l’enherbement et désherbage en maraîchage biologique

Pour maîtriser l’enherbement, il convient d’adopter une stratégie avec des actions restreintes mais bien ciblées. Quelques principes sont essentiels :

  • la reconnaissance des principales espèces de plantes adventices, pour évaluer le risque d’invasion et mettre en œuvre les meilleurs moyens de les éliminer.
  • le choix d’équipements adaptés à ses besoins : outils de désherbage mécanique et thermique, films de paillage, de solarisation ou d’occultation, …
  • la combinaison de différentes méthodes préventives de culture : rotations, engrais verts, assolements, travail du sol, gestion du stock de graines, …

Limiter le développement des adventices

  • Identifier la flore adventice et le stade de développement de la culture pour connaître est sa capacité de résistance face aux adventices, et la période la plus favorable à leur élimination.
  • Favoriser un démarrage de la culture plus rapide que celui des adventices : soigner le lit de semence, le semis, le choix des graines, l’irrigation, et éventuellement préférer la plantation.
  • Insérer des cultures “nettoyantes” dans la rotation (plantes sarclées ou buttées), précédents favorables pour des cultures peu compétitives
  • Réserver les parcelles à risques aux cultures peu sensibles à la concurrence et/ou faciles à désherber (cultures sarclées ou buttées).
  • Limiter la dissémination des graines d’adventices dans les parcelles cultivées
  • Choisir le bon outil de travail du sol et la bonne période d’intervention, pour éviter la dissémination des adventices.
  • Semer des engrais verts rapidement après la culture, pour étouffer les plantules d’adventices

Le désherbage avant culture

Avant la mise en place de la culture, le stock de graines d’adventices peut être réduit grâce à plusieurs méthodes :

Le faux semis est la base du désherbage en maraîchage biologique : il permet de réduire le stock de semences des 4-5 premiers centimètres avant la mise en culture. Le lit de semences est préparé plusieurs semaines avant la mise en place de la culture, arrosé pour faire lever les graines d’adventices, puis les plantules sont détruites avant le semis ou la plantation de la culture (par désherbage mécanique ou thermique). Cette technique est essentielle pour la réussite des cultures semées à germination assez lente (carotte, navet, panais…) et peut être répétée 2 ou 3 fois successivement dans les sols très enherbés

Occultation (avant enlèvement de la bâche).

L’occultation  est une variante du faux semis qui consiste à recouvrir le sol préalablement humidifié par un film opaque avant la mise en culture : les graines germent mais les plantules meurent rapidement en l’absence de lumière. Sa durée varie selon la température du sol, donc de la saison.

La solarisation est un procédé de désinfection thermique par élévation de la température du sol à l’aide d’un film polyéthylène (spécial solarisation)
après avoir fait le plein du sol en eau. L’élévation de température jusqu’à 40 à 50°C à 10 cm de profondeur détruit les graines dans la couche superficielle du sol. La durée d’ensoleillement nécessaire (au moins 1 mois sous abris, 1,5 mois en plein champ) impose de réaliser la solarisation entre juin et septembre, et n’est réalisable que dans le Sud de la France. (Renvoyer à l’article “Solarisation”)

Le désherbage vapeur est rarement pratiqué en production de légumes biologiques ; il consiste en une injection de vapeur dans le sol qui élève la température du sol à 70- 80°C dans les 5-10 premiers cm, détruisant les semences et les plantules de cet horizon. Cette méthode est tolérée en AB mais contestée en raison de la consommation importante d’énergie fossile et de son impact négatif sur la flore et la faune du sol.

En complément de ces mesures préventives, différentes techniques de contrôle de l’enherbement permettent la réduction ou la suppression de l’utilisation des herbicides : paillages, désherbages mécanique et thermique.

Utilisation de paillage

Pose d’un paillage plastique PE

Les films plastiques fins en polyéthylène (PE) sont les principaux paillages utilisés pour limiter les adventices. Ils permettent également de réduire l’évaporation et de réchauffer le sol (s’ils sont noirs, marrons ou verts). La pose est manuelle ou mécanisée (dérouleuse de film), et une large gamme est proposée. L’utilisation de ces matériaux d’origine pétrolière est une réelle préoccupation ; leur recyclage est possible mais coûteux car ils sont chargés de terre après utilisation.

Les films photodégradables sont interdits en AB : ils sont constitués de polyéthylène comme les paillages classiques et contiennent des additifs accélérant leur dégradation par les rayonnements UV. Le film se fragmente mais ne se dégrade pas dans le sol, d’où un effet polluant potentiel.

Les films biodégradables sont surtout élaborés à base de deux matières premières : amidon de maïs et co-polyester d’origine pétrolière. Ils peuvent être enfouis dans le sol ou compostés après usage. Leur utilisation s’est peu développée en raison de leur coût élevé et de leur tenue limitée en culture. De plus, aucun produit n’est normalisé à ce jour.

>> En savoir plus avec nos publications complètes : Fiche sur les paillages biodégradables

Les mulchs végétaux sont des matériaux bruts (paille, écorce de pin, broyat de branches de type BRF), qu’il faut apporter en couche épaisse et assurer un renouvellement régulier pour garantir une action suffisante contre les plantes adventices. Aussi, il nécessitent d’être vigilants car ils peuvent induire des «faims d’azote» lors de leur décomposition, et favoriser la présence des gastéropodes et des rongeurs ou la germination d’adventices dont ils pourraient être chargés

Les toiles tissées en polypropylène de couleur noire ou verte (toiles hors-sol) sont plus chères à l’achat, mais peuvent être réutilisées car plus résistantes. Le problème de l’élimination est identique à celui du film PE.

Le désherbage en culture

Désherbage thermique

Le désherbage thermique consiste à « brûler » la partie aérienne des plantes au moyen de brûleurs à gaz propane. Il n’est efficace que sur des jeunes plantes et son action est très limitée sur les graminées dont le bourgeon est protégé par une gaine foliaire.  Il est utilisé pour la destruction des faux semis, avec une ou plusieurs applications en pré ou post-semis, sur la surface totale du sol, et plus rarement en cours de culture, soit en application intégrale sur des cultures résistantes à la flamme (oignon et ail, à certains stades), soit en application localisée entre les rangs de culture.

Désherbage mécanique

Le désherbage mécanique permet la suppression des plantes adventices par trois actions : sectionnement des racines, arrachage des plantules, étouffement ou buttage. Il permet également d’ameublir la surface du sol et favorise la pénétration de l’eau de pluie. Très efficace lorsqu’il est bien maîtrisé, il impose un choix judicieux du matériel et une bonne gestion des conditions d’humidité et de structure du sol, et surtout du stade des plantes adventices et de la culture.

  • le binage manuel : indispensable pour désherber sur le rang, pratiqué surtout sur certaines cultures semées à croissance lente, vite envahies sur le rang (carotte, panais…). Les outils sont variés : binettes, sarcloirs, griffes, raclettes, serfouettes, couteaux et tubes de désherbage…
  • les cultivateurs à roue (appelés pousse-pousse, houes maraîchères…) : indispensables dans toutes les petites exploitations maraîchères. Ils permettent de sarcler, biner, griffer, butter au plus près du rang.  Les accessoires proposés sont variés : sarcloirs oscillants ou à patte d’oie, butteurs, étrilles…

    Motobineuse
  • les motobineuses et motoculteurs : outils essentiels pour désherber entre les rangs de culture sur des petites surfaces. Les motobineuses, équipées de fraises, permettent un binage superficiel du sol. Les motoculteurs sont des outils plus polyvalents permettant le travail du sol (profondeur 10-15 cm), et le désherbage inter-rangs par binage, buttage, hersage, grâce à différents accessoires : fraise, cultivateur, dents, socs, herse…
  • la traction animale : permet, en utilisant des porte-outils équipés d’accessoires (dents, lames, disques, pattes d’oie,…), de combiner désherbage entre rangs et sur le rang.
  • les bineuses assurent un travail sur les 5 à 10 premiers cm du sol avec différents accessoires qui coupent les racines des plantes adventices entre les rangs de culture (socs, lames, dents) et/ou les recouvrent (disques, disques étoiles). Les bineuses à doigts détruisent les adventices sur le rang (travail à 2-3 cm de profondeur), mais imposent que la culture soit mieux enracinée que les adventices.
  • la herse étrille est constituée d’un cadre horizontal portant des dents souples qui griffent le sol (2 à 3 cm de profondeur) et arrachent les plantes adventices. Elle est utilisable pour la destruction des faux semis (uniquement en pré-semis de la culture) et pour des interventions en culture sur certaines espèces peu fragiles et à fort enracinement (chou, poireau, pomme de terre…). Elle est plutôt adaptée aux sols légers et non battants et impose que le sol soit bien ressuyé et peu caillouteux.