Gestion de l’atelier arboricole

Une fois la mise en place du système agroforestier terminée, plusieurs tâches doivent être effectuées pour entretenir les arbres fruitiers annuellement :

Gestion de l’enherbement au pied des arbres

L’entretien du pied des arbres est un poste technique important à ne pas négliger, surtout les premières années, quand l’arbre doit s’installer. En effet, il s’agit de ne pas trop concurrencer le développement de l’arbre dans les premières années de son développement. L’entretien est ensuite évolutif en fonction du développement des arbres. Des porte-greffes vigoureux peuvent supporter la concurrence de l’enherbement sur le rang. Cet enherbement joue plusieurs rôles : effet tampon sur la température et l’humidité du sol, maintien de la fertilité, abri de biodiversité, stockage de carbone. L’entretien de l’enherbement devra néanmoins se poursuivre même après que l’arbre a atteint une taille respectable, pour éviter qu’il ne se développe au détriment des cultures voisines (concurrence pour l’eau, risque accru de gel, ou dissémination d’adventices dans les cultures). Un arbre qui souffre de la concurrence des adventices ou qui est étouffé démarre lentement. Au-delà de sa simple croissance, c’est aussi sa capacité à produire des fruits rapidement qui peut donc être impactée par la présence d’adventices, et les objectifs de production prévus initialement peuvent alors être difficilement atteints. Par ailleurs, en cultures pérennes, à l’opposé de cultures courtes comme les légumes, les adventices peuvent réaliser facilement un cycle complet de reproduction si le producteur n’intervient pas, et par conséquent contaminer les cultures voisines. Il est donc nécessaire d’entretenir la ligne d’arbres dès la plantation. Plusieurs options techniques s’offrent aux producteurs qui n’utilisent pas d’herbicides : désherbage manuel ou mécanique, paillages, plantes couvre-sol…

Désherbage

Système sandwich appliqué au pommier

Le désherbage manuel ne doit pas être une option, il faut donc envisager de s’équiper d’un désherbeur thermique, d’une débroussailleuse ou d’un outil mécanisé pour des surfaces plus importantes. Un mode d’entretien intermédiaire et plus rapide consiste à travailler une bande de chaque côté de la ligne de plantation, mais de laisser le centre enherbé : cette méthode est appelée ‘sandwich’.

Paillage

Les paillages, indispensables pour optimiser la croissance des jeunes arbres, présentent néanmoins des inconvénients :

  • ils favorisent les campagnols et la présence de limaces (notamment pour les paillages organiques)
  • ils rendent impossible la fertilisation au pied des arbres (apport parfois nécessaire les premières années) à moins que celle-ci ne soit liquide (lisier, vinasse de betterave…)
  • ils imposent de mettre le système d’irrigation sous le paillage ce qui limite l’exploration des racines.

Deux grands types de paillages peuvent être utilisés :

Paillages végétaux et BRF

L’utilisation de paillages végétaux est une alternative intéressante aux paillages plastiques qui ont certains inconvénients (dépose nécessaire, pose préalable du système d’irrigation …). Ces paillages végétaux peuvent être des mulchs réalisés à partir d’un broyat de la végétation semée ou spontanée sur la ligne d’arbre, ou d’un couvert végétal issu des résidus de cultures par exemple.

L’usage de broyats de bois (Bois Raméal Fragmenté : BRF) en mulch est une pratique intégrée dans la démarche de l’agroforesterie qui vise à couvrir les sols en totalité et en permanence. Ces broyats doivent être épandus en automne de préférence.

Le BRF peut être difficile à trouver dans certaines régions, peu durable (à renouveler tous les ans) et peut entraîner une faim d’azote préjudiciable l’année suivant son épandage. Il est possible de compenser la faim d’azote en incorporant avec le BRF un apport de matière organique assez riche en azote facilement minéralisable comme la fiente de volaille. Les broyats peuvent aussi attirer les sangliers qui cherchent des vers et insectes dans les sols frais.

Paillages plastiques/biodégradables

Les paillages plastiques sont peu utilisés en vergers car ils coûtent relativement chers, sont longs à installer et peuvent abriter des ravageurs préjudiciables aux fruitiers.

Néanmoins, les premières années, ils permettent de bien contenir l’enherbement sans aucune intervention. Ils peuvent par ailleurs être conseillés dans le cas d’implantation de cultures intercalaires entre fruitiers.

Les paillages en plastique doivent être retirés après la deuxième ou troisième année maximum car ensuite l’envahissement par l’herbe rend l’opération impossible. Les paillages tissés réutilisables sur d’autres cultures, voire les paillages biodégradables (textiles ou à base d’amidon), sont à préférer.

Lorsque le paillage n’est pas nécessaire sur toute la ligne de façon discontinue, il est préférable de le disposer en rond au pied des arbres afin de limiter la présence des campagnols.

 

 

 

Il est important de bien gérer l’enherbement en trouvant le juste milieu entre un sol à nu et une prédominance de la strate herbacée impactant les cultures et les fruitiers.

Plantes couvre-sol

Les plantes couvre-sol semblent la technique la plus intéressante mais elle est encore expérimentale et doit être maîtrisée. Dans l’idéal, ces couvre-sol doivent être implantés à distance (environ 1 mètre) des arbres fruitiers les premières années (pendant cette période, un paillage peut être envisagé). Une fois les fruitiers développés, les plantes couvre-sol peuvent être rapprochées des arbres.

Elles peuvent être constituées par :

  • un enherbement spontané, s’il est équilibré et pas trop concurrent. Il peut être contenu sur toute la surface ou sur une bande ‘sandwich’, comme indiqué plus haut. Dans certaines régions à forte pousse d’herbe, l’enherbement spontané est trop concurrentiel.
  • des plantes choisies et installées pour occuper le terrain sans gêner l’arbre. Il peut s’agir de plantes non alimentaires pérennes (épervière piloselle, trèfles…), ou d’annuelles à resemis autonome (trèfles annuels, luzernes annuelles…), voire de plantes alimentaires/ condimentaires qui supportent l’ombrage fréquent : aromatiques, alliacées, fraises.

Dans les deux cas, il faut surveiller les campagnols, à l’abri sous un couvert ! Ici encore, l’expérimentation individuelle fera avancer la connaissance partagée. En complément de ces plantes couvre-sol, il est tout à fait possible d’implanter des légumes, des arbustes champêtres ou arbustes fruitiers (petits fruits) sur la ligne d’arbres. Après trois ou quatre ans, sur porte-greffe vigoureux, les arbres supportent bien la présence d’herbe au pied. Un système de tonte de l’herbe avec escamotage au pied des arbres devra alors être envisagé ; selon le type de broyeur, on peut l’aménager pour que l’herbe soit projetée au pied des arbres, ce qui crée un mulch qui va limiter la pousse de l’herbe.

Fertilisation des arbres fruitiers

En arboriculture biologique, la matière organique du sol provient des débris végétaux issus des arbres (feuilles, bois de taille, racines…) et de l’apport fait par l’agriculteur : compost, engrais organique, mulch, engrais vert et aussi de la tonte de la strate herbacée. La fumure d’entretien vise à maintenir le taux de matière organique du sol et à nourrir régulièrement l’arbre. L’observation de la vigueur, de la coloration du feuillage, de l’enherbement, des rendements obtenus, ainsi que la restitution des éléments (bois de taille, feuilles, tonte de la strate herbacée) et les analyses de sol permettent d’établir le plan de fumure. La technique du double apport est intéressante en verger biologique.

  • Le premier passage automnal entretient le taux d’humus grâce à une matière organique bien décomposée, qui améliore la structure du sol, son aération, son drainage, ses capacités de rétention en eau et en éléments minéraux. Elle libère ces éléments et les oligo-éléments présents dans le sol, souvent non disponibles pour la plante. Elle est le moteur de l’activité biologique (apport de molécules carbonées sources d’énergie).
  • Le deuxième passage s’effectue de fin janvier à mi-mars (selon les espèces et les régions) avec une matière organique azotée fournissant peu d’humus, mais ayant un rôle fertilisant à court terme. En effet, la libération de l’azote intervient souvent après la floraison, or pour l’ensemble des fruitiers, c’est au moment de la nouaison (formation des fruits) que l’azote est indispensable, d’où l’importance en fin d’hiver d’un apport azoté rapidement minéralisable. Cela est encore plus vrai dans les régions situées au Nord de la Loire et pour les sols argileux, lents à se réchauffer. Ce deuxième apport doit être suivi d’un travail du sol pour l’incorporer et activer le processus de minéralisation par oxygénation qui permet de rendre les éléments minéraux disponibles pour l’arbre.

Irrigation

Après avoir irrigué les arbres de manière régulière durant les premières années suivant l’implantation, une diminution de l’irrigation pourra être envisagée. Quand les arbres seront assez âgés, les apports pourront être supprimés sur la ligne, afin de forcer leurs racines (si le porte-greffe n’est pas trop faible) à aller prospecter encore plus en profondeur, ce qui valorisera une complémentarité spatiale d’utilisation des ressources hydriques entre les fruitiers et les cultures voisines qui explorent les horizons plus superficiels du sol.

Néanmoins, dans de nombreuses situations, vos fruitiers devront tout de même restés irrigués, en particulier durant la période estivale et s’ils sont chargés en fruits. Pour vous aider à adapter la dose d’irrigation à apporter, un réseau de pilotage d’irrigation par sondes tensiométriques a été mis en place chez un panel d’agriculteurs volontaires, dispersés sur les différents bassins versants déficitaires Le suivi tensiométrique permet d’adapter en permanence l’irrigation à la consommation de la culture, en fonction du sol et du climat, afin d’améliorer les pratiques d’irrigation à la parcelle.

Un point d’attention est néanmoins à souligner concernant l’irrigation ponctuelle manuelle, en particulier en système de verger-maraîcher. Il a été observé dans les suivis de parcelles de ce type que les fruitiers étaient parfois trop irrigués, ce qui a pu conduire dans certains cas à leur déclin ! Attention donc à ne pas trop irriguer les fruitiers. A l’inverse, l’irrigation ponctuelle est nécessaire lors d’épisodes de sécheresse de plus de deux semaines, même si vous n’aviez pas prévu d’irriguer vos arbres.

Protection sanitaire

Dans ce type de système agroforestier à “haute biodiversité cultivée”, la gestion de la santé des cultures repose sur de multiples mesures préventives, les interventions phytosanitaires (particulièrement délicates dans ces systèmes associant de nombreuses cultures) n’étant réalisées qu’en derniers recours. Cette approche est en cohérence avec les principes de l’agriculture biologique ou à bas intrants. Les techniques de lutte biologique et physique ainsi que les mesures prophylaxiques ont été décrites dans la fiche « Indications sur les 6 espèces fruitières ».

Pour gérer correctement la pression sanitaire, il est important d’anticiper et d’observer les cultures : approche variétale et raisonnement des associations de variétés ou d’espèces…, prophylaxie, techniques culturales, interventions manuelles ciblées ou lutte biologique quand elle existe. Ces mesures peuvent permettre de réduire considérablement le recours aux produits phytosanitaires, tout en préservant les cultures. En cas de doute sur l’identification d’un ravageur ou sur la méthode de lutte la plus appropriée, il peut être nécessaire de prendre contact avec les conseillers locaux. Attention, la pression des ravageurs augmente d’année en année, comme avec la D. suzukii ou le carpocapse qui sont difficilement contrôlables sans la pose de filets. Une surveillance particulière est donc à réaliser afin d’être en capacité de réagir avant la prolifération trop importante de ces insectes.

Les interventions phytosanitaires ne sont en aucun cas systématiques mais peuvent être nécessaires en arboriculture, où un traitement bien ciblé et positionné peut avoir des effets bénéfiques sur du long terme (parfois plusieurs années). Pour les producteurs en AB, un guide des intrants utilisables en AB est mis à jour régulièrement et disponible sur le site de l’Institut Technique de l’Agriculture Biologique (ITAB). Cependant, il convient de garder à l’esprit qu’il existe peu de produits homologués sur plusieurs types de production. Actuellement, la problématique réglementaire des traitements phytosanitaires dans des cultures associées de type agroforesterie fruitière n’est pas clairement une situation identifiée.

Taille d’entretien des fruitiers

La taille d’entretien des arbres est nécessaire pour maintenir une canopée aérée et favoriser la pénétration de la lumière à l’intérieur de l’arbre, gage d’une bonne floraison et de beaux fruits bien placés. De plus, la taille sert à sélectionner les plus belles branches fruitières et supprimer ce qui est trop poussant, mal placé ou malade (chancre). La taille permettra également de favoriser la pénétration de la lumière nécessaire aux cultures voisines: sous les canopées trop densifiées, le rendement peut être très pénalisé (résultats agronomiques obtenus sur la ferme du Bec-Hellouin en 2015). La taille a un effet direct sur l’ombrage porté sur les cultures. Il est conseillé de laisser le tronc nu (sans branche) jusqu’à un mètre du sol, afin de faciliter la ventilation des cultures voisines, limiter le risque de propagation des maladies du sol et de pouvoir laisser un enherbement au pied des arbres sans pour autant que les herbacées ne touchent les premiers fruits. Se reporter à des manuels d’arboriculture fruitière pour les tailles adaptées. Dans la plupart des cas, il sera intéressant de s’adresser à un prestataire recommandé par les conseillers et arboriculteurs de la région car, si la taille exige des connaissances, il faut surtout beaucoup de pratique pour bien démarrer, et ce d’autant plus qu’on multiplie les espèces et les variétés.

Éclaircissage

Afin d’assurer un calibre suffisant des fruits produits, il convient de retirer une partie d’entre eux lors de leur formation (éclaircissage sur fruits), autrement dit au moment de la nouaison, ou de retirer directement une partie des fleurs de l’inflorescence (éclaircissage sur fleurs). En fonction des espèces, il est préférable d’avoir recours à l’une ou l’autre des techniques.

Quoi qu’il en soit, il est préconisé d’attendre la fin de la période de gelées tardives pour réaliser ce chantier car ces gelées de printemps jouent d’ores et déjà ce rôle d’éclaircissage. De ce fait, l’abricotier, le pêcher et le prunier n’ont pas besoin d’être éclaircis chaque année. Le cerisier, lui, ne s’éclaircit pas. En outre, le phénomène d’alternance bisannuelle chez certains fruitiers induira une charge de travail différente d’une année à l’autre, en fonction de la charge de fruits constatée.

L’éclaircissage manuel, bien que fastidieux, est le plus conseillé en agroforesterie. En effet, celui-ci est le plus adapté à un mode de cultures bas intrants, et c’est aussi la technique qui respecte le plus les fruitiers. Parmi les autres alternatives, l’éclaircissage chimique, au même titre que les traitements phytosanitaires, ne sera probablement pas autorisé à proximité des autres cultures. Par ailleurs l’éclaircissage mécanique est délicat et nécessite une maitrise technique pour ne pas causer de dégâts.

Récolte

La récolte est une phase essentielle pour la rentabilité de la partie fruitière car elle demande une main d’œuvre importante. L’objectif est de pouvoir accéder le plus facilement aux fruits pour les récolter manuellement ce qui assure la meilleure valorisation. Pour faciliter la récolte manuelle, il faut veiller à :

  • ne pas avoir de cultures au pied des arbres au moment de la cueillette pour pouvoir accéder facilement aux arbres,
  • connaître la période de récolte pour chaque espèce et variété cultivée afin d’éviter de perdre les fruits qui tombent au sol,
  • posséder un minimum d’équipement : caisses, brouettes de récolte, échasses voire plate-forme si les arbres sont hauts,
  • adapter la taille pour essayer de contenir les fruits dans une partie accessible de l’arbre,
  • anticiper la capacité de conservation et donc l’écoulement des fruits post-récolte

Une partie des fruits peut être destinée à une transformation en jus, confitures, etc. Cela permet de valoriser des fruits légèrement abîmés voire ramassés au sol. Dans ce cas, il faut ramasser les fruits rapidement après leur chute puis les trier et les transformer très rapidement afin d’éviter les problèmes sanitaires qui peuvent apparaître sur certains produits transformés comme la patuline sur le jus de pomme. Les systèmes d’auto-cueillette (où les consommateurs cueillent leurs fruits) est envisageable à condition de prévoir un très bon encadrement de ces chantiers d’auto-cueillette sinon cela peut vite se révéler une mauvaise opération (par exemple, risque de casse sur les arbres). Cette pratique n’est donc a priori pas conseillée pour les systèmes d’agroforesterie fruitière.

Plus d’informations concernant la gestion des fruitiers :

  • Guide de protection du verger Bio 2024
  • Guide "De la taille à la conduite des arbres fruitiers"
  • Guide arbo Pfi - Bio 2023 >>
  • Infos sur les gelées tardives 1 >>
  • Infos sur les gelées tardives 2 >>
  • Réseau de maraîchers en agroforesterie >>
  • Carte des verger-maraîchers >>
  • Résumé du projet SMART >>
  • Autre résumé du projet SMART >>