Installation des arbres fruitiers

Agencement du système agroforestier

Organisation spatiale des rangs de fruitiers

L’agencement du système dépend avant tout de la mécanisation souhaitée ou en place sur la ferme. L’écartement entre rangs est calculé en fonction de la largeur des engins utilisés pour les pratiques culturales. Les itinéraires techniques sont à considérer en priorité :

– quelle(s) mécanisation(s) des cultures ?

– quel(s) mode(s) d’entretien des arbres et des cultures voisines (travail du sol faible ou important, gestion de l’enherbement, des ravageurs et pathogènes) ?

– quel(s) moyen(s) de récolte : à pied, à l’échelle, au chariot, récolte manuelle ou mécanique ?

L’écartement entre les rangs doit également être réfléchi en fonction de la région d’implantation, en lien avec l’ensoleillement et la sécheresse estivale. De manière générale, on peut planter de façon plus serrée dans le Sud car la lumière y est très forte. Il faut néanmoins prévoir 8 mètres au minimum entre les rangs pour éviter trop de concurrence, de gêne au travail et permettre des largeurs de planches adaptées au matériel agricole. Au nord de la Loire, l’imbrication entre fruitiers et les cultures voisines doit être moins forte, et la distance minimale doit être de 10 mètres. Il est important de conserver une distance aux arbres de chaque côté du rang afin de maintenir l’accès aux arbres toute l’année, pour les observations, la taille, l’éclaircissage et les récoltes.

Enfin, l’organisation spatiale des lignes de plantation des fruitiers doit être déterminée en évaluant la hauteur finale des arbres, et donc leur ombre portée, qui dépend du type de sol, du type de porte-greffe utilisé et de la conduite des fruitiers. Une conduite “en axe” (type verger basse-tige à haute densité) génèrera souvent moins d’ombre portée qu’une conduite en forme libre de type gobelet. Les conséquences au pied de l’arbre et sur les planches limitrophes ne seront pas identiques d’une conduite à l’autre, d’où l’intérêt de projeter l’incidence de ce facteur dès la conception du système. Dans le cas de rangs mélangeant des espèces fruitières, veiller à considérer l’espèce à étalement maximal pour définir l’écartement minimal entre rangs (cas des arbres en gobelet ou du figuier par exemple qui ont une emprise plus large), pour ne pas être gêné par la suite.

Deux techniques d’agencement de verger-maraîchers applicables également aux autres cultures annuelles :

Cultiver 1 rang sur 2

« Afin de faciliter le travail sur les arbres et notamment la récolte, la parcelle agroforestière est cultivée uniquement 1 rang sur 2. Cela permet d’avoir toujours une face de l’arbre  sans culture au pied, ce qui permet de passer avec le tracteur sans rien abîmer.

Cette technique a aussi l’avantage de permettre des rotations. Ainsi, chaque inter-rang peut se reposer et se ressourcer pendant un an car l’idée est d’y implanter un engrais vert annuel (mélanges à base de plusieurs espèces parmi : blé, avoine, trèfle, phacélie, luzerne, vesce, pois fourrager, sarrasin). »

Edouard Stalin, Ferme de la Mare des Rufaux (27)

L’astuce du double-rang

Il est possible de planter les fruitiers en doubles rangs, espacés comme en verger classique, comme cela a été fait à la ferme de la Durette à Avignon. Cette disposition permet de maintenir en permanence un accès plus facile aux arbres, voire d’y faire pâturer des animaux ponctuellement.

Disposition des arbres fruitiers sur le rang 

L’écartement des arbres sur le rang est à définir dès l’implantation en tenant compte du gabarit de l’arbre à terme. A l’âge adulte, les rangs de fruitiers doivent être aérés tant entre les arbres qu’à l’intérieur de l’arbre (pour les formes en volume), dans la frondaison même, et ce tout au long de l’année. Cette maîtrise de la densité de frondaison doit être le résultat d’une bonne adéquation entre les distances de plantation, la fertilisation, le porte-greffe et la variété, d’où l’importance de la sélection initiale du matériel végétal adapté à son projet de plantation. A l’inverse, la maîtrise par des coupes sévères y compris en été, aboutirait rapidement à des déséquilibres végétatifs et donc à des problèmes parasitaires. Il ne faut pas trop contraindre les arbres vigoureux, mais plutôt choisir un porte-greffe dont la vigueur est adaptée. En résumé, il faut laisser l’arbre occuper son volume d’équilibre en le répartissant, si nécessaire, plus horizontalement que verticalement.

Les distances de plantation sur le rang doivent également tenir compte de la conduite des arbres que vous souhaitez mettre en œuvre. L’écartement entre deux pommiers peut aller du simple au triple d’une conduite palissée à une conduite haute-tige. Le palissage est d’ailleurs à considérer pour de nombreux arbres, en particulier pour les pommiers M9 qui ne se tiennent pas sans palissage ! Le palissage permet de rendre les arbres plus accessibles, ce qui diminue le temps d’éclaircissage, de taille d’entretien et de récolte, même si cette conduite est coûteuse, plus technique et longue à mettre en place. Les autres types de conduite nécessitent au moins un tuteurage des fruitiers les 3 premières années avant que l’arbre soit suffisamment fort pour se tenir seul. Les demi-tiges nécessitent moins de travail que les arbres palissés, surtout s’ils sont formés en axe/biaxe ou palmette. Ils devront néanmoins être plantés de manière beaucoup plus espacée (voir distances indicatives pour les demi-tiges dans les tableaux donnés par porte-greffe dans la fiche « Informations complémentaires sur les porte-greffes). Ces formes permettent aussi de mettre un filet.

Au niveau de la disposition des fruitiers sur le rang, il faut également considérer la répartition des essences et des variétés. Il est préconisé de ne pas trop alterner les variétés voire les espèces pour ne pas trop perdre de temps lors de la récolte. Néanmoins il est conseillé d’alterner régulièrement les fruits à pépins et les fruits à noyaux pour éviter la propagation trop rapide des ravageurs (mesure prophylaxique).

Autres végétaux accompagnant les fruitiers

Outre les lignes de fruitiers, l’introduction d’éléments non productifs au sein du système agroforestier permettra d’abriter, de nourrir et de favoriser les auxiliaires comme les coccinelles, les chrysopes ou les syrphes qui interviennent dans la régulation des populations de ravageurs tels les pucerons, les cochenilles, etc. Il est donc pertinent de réfléchir à la place des infrastructures agroécologiques (IAE) dès l’agencement du système agroforestier. Pour rappel, il est difficile de traiter en système agroforestier ; la biodiversité fonctionnelle est de ce fait un réel levier de régulation des ravageurs une fois que les arbres seront entrés en production. Pour encourager la présence des auxiliaires de cultures, plusieurs aménagements sont possibles : plantation ou réhabilitation de haies, diversification de la strate herbacée, implantation d’abris divers… Quelques documents sont mis à votre disposition en bas de page si vous souhaitez approfondir le sujet !

Une fois l’agencement du système agroforestier décidé, il est préconisé de projeter l’implantation des différents végétaux dans l’espace et dans le temps, au moyen d’un plan ou d’un croquis, pour s’assurer que le design répond aux objectifs à toutes les échelles de temps. Par exemple, il est intéressant d’imaginer l’évolution de spatiale des rangs de fruitiers (largeur, densité et hauteur) qui aura des conséquences sur la parcelle et les cultures voisines (réduction de l’espace de circulation, augmentation de l’ombre portée, itinéraire devant à terme contourner la haie…). En faisant cet exercice, vous garantissez la pérennité des végétaux implantés en ayant la certitude qu’ils ne vous gêneront pas à l’avenir.

Commande des fruitiers chez votre pépiniériste

Réfléchir bien en amont de la plantation !

Les variétés et les porte-greffes adaptés à votre projet ne sont pas forcément les plus communs. Aussi tous les pépiniéristes n’auront pas ce que chacun souhaite planter. À eux de s’adapter à vos besoins et non l’inverse. Commandez le cas échéant vos scions, nom donné à l’arbre de 1 ou 2 ans greffé en pépinière, à un pépiniériste local de confiance (liste sur ce lien). Un scion peut coûter entre 5 et 20€ selon son âge, selon l’espèce et selon le type de pépinière (artisan ou gros faiseur) où vous l’achèterez. Un plant greffé à façon sera forcément un peu plus cher… et sera livré 18 à 24 mois plus tard.

Plants fruitiers non bio :

Il n’existe que peu de pépiniéristes proposant des plants fruitiers bio en quantité. Si le matériel végétal n’est pas disponible en bio, vous avez la possibilité réglementaire de l’acheter non bio (la demande de dérogation doit être effectuée avant la commande des plants fruitiers). A noter que la plantation d’arbres non bio dans une parcelle bio ne pose pas de problème pour la certification des cultures d’ores et déjà présentes. Par ailleurs il faudra compter 36 mois de “conversion” à l’issue desquels les fruits récoltés seront biologiques. Compte-tenu du délai d’entrée en production des arbres fruitiers, ce délai n’est pas un problème.

Il est quoi qu’il en soit préconisé d’acheter des plants français qui ont moins de risque d’être infestés par des parasites de quarantaine commme le virus de la Sharka.

Préparation de votre parcelle en vue de l’implantation

Culture préparatoire

Un couvert végétal préparatoire a comme objectifs principaux :
– d’améliorer la structure du sol et d’éviter l’érosion,
– de produire, en tant qu’engrais vert, de la matière organique
– de favoriser la faune du sol ainsi que la faune auxiliaire sur la parcelle (prédateurs naturels des ravageurs)

Il est préférable d’envisager deux à trois ans de cultures préparatoires comme les Fabacées (anciennes Légumineuses), les Brassicacées (anciennes Crucifères) ou encore les Poacées (anciennes Graminées), avant d’implanter les fruitiers, à l’exception d’une implantation dans une prairie permanente.

La fumure

La fumure avant plantation est une étape essentielle pour le bon fonctionnement du futur verger. Elle doit tenir compte de la culture préparatoire et des observations et analyses de sol. Elle a pour objectif de relever le taux de matière organique, ce qui permet de stimuler la vie microbienne du sol du sol et de fournir aux racines les éléments nutritifs nécessaires dans les années qui suivent la plantation. Selon le taux de matière organique initial et la texture du sol, et en fonction du type d’amendements disponibles (compost ou fumier), les apports varieront. Si un apport important est nécessaire (sol pauvre en matière organique, sableux), on évitera les amendements riches en azote ; on choisira donc un compost plutôt qu’un fumier.

La préparation du sol

Le but est de détruire l’herbe présente et de créer une structure grumeleuse facilitant la plantation et le développement racinaire. L’ameublissement en profondeur a dû être assuré par la culture préparatoire, mais un sous-solage en sol sec peut-être intéressant. Le labour profond est à éviter car cette technique est défavorable aux lombrics, qui sont eux-mêmes des laboureurs très efficaces.

Les outils rotatifs sont également dangereux pour la faune du sol, et ce d’autant plus que la vitesse de rotation est rapide. Selon la culture préparatoire (plantes herbacées pérennes par exemple), il est envisageable de ne pas la détruire et de préparer le sol uniquement sur la bande de plantation.

Organisation du chantier de plantation

Pour organiser votre chantier de plantation, de nombreuses tâches sont à réaliser, à savoir :

–  Réunir la main d’œuvre nécessaire pour le jour J, que ce soient des amis, du personnel de l’exploitation, des intérimaires, des étudiants, des familles (chantier participatif), des membres d’association de pomologie…

–  Trouver des accompagnateurs techniques suffisamment nombreux pour encadrer les participants non qualifiés

–  Recevoir en avance les plants, les mettre en jauge dans du sol humide afin d’attendre le jour de la plantation sans que les racines ne se dessèchent

–  ‘’Praliner’’ les plants (tremper les racines dans une bouillie d’argile) au moment de les retirer de la jauge

–  Positionner l’emplacement de chaque fruitier à implanter dans les parcelles

–  Rassembler puis répartir le long des linéaires les fournitures (amendement, paillage, tuteurs, protections gibiers, tuyaux d’irrigation, structures porteuses et fils si vous avez prévu de palisser vos arbres…) et les outils.

–  Ajuster la taille des systèmes racinaires au volume aérien en recoupant légèrement les racines ou la tige

–  Prévoir d’arroser abondamment au moment de l’implantation, en ramenant par exemple une tonne à eau

Toutes ces étapes préliminaires à l’implantation sont donc propices à la réussite du chantier de plantation qui ne dépend plus que de la météo ou d’autres aléas non prévisibles. Le fait d’avoir tout préparé en avance permet d’être plus efficace le jour même avec tous les participants qui se sont déplacés. Les explications préalables et l’accompagnement technique par des spécialistes assurent par ailleurs une bonne qualité de plantation des fruitiers. Si tout se passe bien, la préparation du chantier permettra de ce fait la réussite du projet, au moins à court terme.

Suivi des fruitiers durant leur installation

Le succès du projet est à confirmer grâce au suivi des végétaux implantés et à leur entretien :

–   L’irrigation des arbres est indispensable durant les trois années qui suivent leur implantation, même pour des porte-greffes sélectionnés pour leur faible sensibilité au déficit hydrique, dans le but de permettre aux arbres de bien s’installer au départ, tout en les incitant également à prospecter en profondeur en ajustant les quantités d’eau. Préférez l’irrigation par micro-aspersion afin de favoriser un système racinaire d’alimentation actif sur un volume maximal de sol. Cela augmente l’autonomie des fruitiers et leur capacité à surmonter les incidents éventuels. Le goutte à goutte sur le rang arboré est à éviter, sauf en appoint, car il limite le volume de sol actif

–   La taille de formation doit être assurée dans les premières années suivant l’implantation car les objectifs (hauteur d’arbre souhaitée, port voulu, gabarit du fruitier espéré…) ne seront atteints que si les ligneux sont conduits de la bonne manière dès leur stade juvénile. Si vous avez prévu de palisser les arbres (ex : pommiers M9), une attention particulière sera donnée aux jeunes arbres afin de contraindre les rameaux au fur et à mesure de leur croissance pour les amener sur les fils et les conduire ainsi à l’horizontal. Vous pouvez pour cela vous former ou payer un prestataire pour effectuer ce chantier assez technique.

–   L’enherbement du pied de l’arbre doit être évité durant les 3 premières années durant lesquelles les herbacées rentrent en concurrence avec les jeunes plants. Le renouvellement du paillage dès qu’il n’est plus assez efficace est un levier de la gestion de l’enherbement au pied des jeunes arbres.

–   La surveillance des protections des jeunes plants doit être régulière afin de replacer tout filet anti-gibier qui s’est envolé. De plus, les filets de mauvaise qualité, à mailles trop épaisses, peuvent être transpercés par les rameaux fins des fruitiers alors en pleine croissance. En prévision de la taille de formation, il est donc judicieux de retirer toute branche qui passe à travers les mailles pour garder la mobilité de la protection anti-gibier.

–   Une fumure azotée peut être nécessaire au démarrage de la végétation en première feuille. Il faut alors prendre en compte l’azote fourni par le compost et par la culture préparatoire afin d’éviter des vigueurs excessives en pleine végétation ou en fin d’été, ce qui peut avoir une forte incidence sur les populations de ravageurs (pucerons notamment).

–   Enfin le regarnissage, un an après l’implantation, permet de remplacer les arbres morts et ainsi garantir la réussite future du verger.

Cette phase de suivi et d’entretien des arbres fruitiers durant leur installation confirme donc le succès du projet.

Plus d’informations concernant l’installation des fruitiers :

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