Lever les verrous de la production d’amande bio

Culture emblématique de la Provence, l’amande fait son grand retour ! Et cela, grâce à une forte demande des consommateurs et des industriels (nougatiers, chocolatiers …). En raison d’un déficit de production, la filière de l’amande bio française ne peut combler les demandes des consommateurs, la France importe plus de 40 000 tonnes d’amande par an. C’est pour cela que le Grab et ses partenaires travaillent pour lever les verrous de la culture de l’amande bio.

Par François Warlop, Ferracci Florie – mai 2023

 


Le petit point sur l’état de la filière

Pour répondre aux besoins des consommateurs, la filière de l’amande bénéficie d’un grand plan de relance. Grâce à son image de marque, l’amande bio de Provence a des atouts pour une bonne valorisation par les producteurs. La culture de l’amande, parfaitement adaptée au territoire du midi, a l’avantage d’être facilement mécanisable. L’évolution des machines agricoles a permis d’accélérer et de faciliter la récolte. Les plantations prennent de l’ampleur, des producteurs se lancent en Corse, en Occitanie et en Auvergne-Rhône-alpes et la profession se structure et s’organise. Pour assurer sa pérennité et son développement, des projets comme Leveab et Elzeard sont montés pour développer les connaissances sur la conduite de l’amande en AB.


Choix variétal

La perte de vitesse de la filière d’amandier française a mené à un manque de connaissances sur les variétés françaises et régionales. Le choix de la variété interroge les producteurs, car il faut trouver une variété adaptée à la région, avec des qualités agronomiques, gustatives (goût, texture) et sanitaires (tolérance aux maladies/ravageurs). Dans le cadre des projets Diversigo et Fruinov, le Grab a mené des essais variétaux pour caractériser les différentes variétés d’amandier de la région PACA. Les résultats d’essais sont disponibles sur Fruitnov ainsi que les fiches techniques de 19 variétés d’amandier. Des suivis sont toujours en cours pour caractériser les comportements de variétés plus récentes dans différents contextes.


Les ennemis de la culture

L’amandier est sensible à de nombreuses maladies telles que le monilia, la tavelure, la cloque et la polystigma et à des ravageurs comme les pucerons, cicadelles et acariens. Mais le principal ravageur reste Eurytoma amygdali plus communément appelé la guêpe de l’amandier.

La guêpe de l’amandier

Cet insecte est un des principaux freins au développement de la culture de l’amandier bio. La guêpe de l’amande peut-être à l’origine de nombreux dégâts,sans traitement en bio, la guêpe peut causer 90% de pertes. Malheureusement, malgré une forte pression dans les vergers français, les connaissances sur la répartition de ce ravageur et les facteurs influençant le développement de ses populations restent insuffisantes. Le Grab a mené des essais en 2021 et 2022 pour étudier les dynamiques de populations de Eurytoma Amigdalie.

Cycle larvaire guêpe de l’amandier

C’est un ravageur spécifique, avec une génération par an et une phase aérienne courte au mois d’avril, le moment clef où il faut traiter. Les femelles pondent dans l’amande et la larve va se développer à l’intérieur pendant 7 à 9 mois en se nourrissant de l’amandon. Les dégâts sur les fruits apparaissent après la piqûre, un exsudat se forme à la surface de l’amande. Dès le début de l’été, on observe un jaunissement de l’amande. Les fruits contaminés sont reconnaissables à leurs couleurs grisâtres. En hiver, les amandes contaminées restent sur l’arbre et noircissent.

Amande parasitée

Depuis 2008, c’est l’insecticide SPINOSAD qui est utilisé en bio pour lutter contre ce ravageur. Il peut pénétrer dans les feuilles (mais ne devient pas systémique) et sa durée d’action est de 1 à 2 semaines. Après contact ou ingestion, l’insecte arrête de manger, est paralysé puis meurt. C’est un insecticide efficace, mais il est également toxique pour les hyménoptères pollinisateurs (abeilles et bourdons) par effet direct (contact) ou indirect (ingestion du pollen). C’est pour cela que le Grab et ses partenaires sont à la recherche d’alternatives.

Comme alternative, le filet plastique anti-insecte se révèle efficace, il faut le poser pendant le temps de vol de la guêpe, mais il n’est pas adaptable en verger traditionnel, car pour être efficient, le verger doit avoir une haute densité et les portes-greffe doivent être plus faibles.

L’utilisation d’argile avec des adjuvants tels que les huiles essentielles est prometteuse. Pour que l’application soit efficace, il faut pulvériser le mélange sur les feuilles et les fruits. Les recherches sont toujours en cours pour évaluer son efficacité.

Les bioagresseurs opportunistes

Moins agressifs et destructeurs que la guêpe de l’amandier, d’autres ravageurs peuvent profiter du climat pour se développer.

Les insectes piqueurs-suceurs

Les pucerons verts sont à l’origine de déformations et de dessèchements au niveau des premières feuilles. Leur présence limite la photosynthèse, et favorise le développement de la fumagine. La lutte chimique se fait avec des huiles blanches au stade B et C. Semer des plantes de service (bandes fleuries) permet d’attirer des auxiliaires comme les coccinelles qui sont efficaces dans la gestion des populations de puceron.

Les cicadelles causent un dessèchement et un recroquevillement des feuilles, malheureusement, il n’y a pas d’argile homologuée. Le Baraka® peut être utilisée comme barrière physique, mais a un effet limité. Comme pour les pucerons, la plantation de bande fleurie favorise la présence d’auxiliaires tels que les araignées, chrysopes et guêpes parasitoïdes.

Les faux tigres de l’amandier en grand nombre peuvent causer une défoliation et un ralentissement du développement de l’arbre. Pour gérer ce ravageur, le choix variétal est primordial (par exemple la variété Ferrastar est moins sensible que Lauranne). Le savon noir ne bloque pas l’attaque, mais peut limiter son développement, enfin, les nématodes sont a priori les plus efficaces, mais il faut de l’humidité pour leur déplacement.

Les champignons

Le champignon Fusicoccum amygdali est très dur à éradiquer à cause de la création de chancres (organes de stockage), qui amèneront une germination l’année suivante. L’autre problème majeur est sa tolérance au cuivre.

Pour gérer cette maladie, il vaut mieux miser sur la plantation de variétés tolérantes, malheureusement les variétés les moins sensibles ont des problèmes de productions.

Les monilias quant à eux causent le dessèchement des fleurs, des rameaux et des bouquets. Les symptômes peuvent être discrets comme le fusicoccum, toutes les variétés peuvent être touchées bien que des variétés y semblent moins sensibles.

En cas de temps humide, il est important de se prémunir rapidement contre la rouille. Voici les autres champignons pouvant attaquer les cultures d’amandier  : Polystigma (maladie des taches rouges), Coryneum et cloque (bien que les amandiers soient moins fragiles que sur pêcher).


Assurer une gestion agroécologique des ravageurs

L’agroécologie en favorisant la présence de biodiversité, tant de pollinisateurs que d’auxiliaires, peut permettre d’avoir une meilleure gestion des ravageurs de l’amandier. Par exemple, planter des frênes, des noisetiers, des aubépines… privilégie la présence de nombreux auxiliaires utiles dans les vergers, tels que les araignées, les chrysopes, les punaises prédatrices…

Haies composites

Les haies composites en offrant le gîte et le couvert aux auxiliaires sont utiles pour favoriser la biodiversité fonctionnelle. Elles peuvent également être une réponse aux enjeux climatiques. Les haies ont un effet coupe-vent ce qui permet d’éviter les impacts mécaniques (chute de feuille et de fruits, inclinaison des arbres, impact sur la pollinisation) et physiologiques (limiter le stress hydrique) du vent. Pour bénéficier de ces avantages, il est important de bien choisir ses essences et d’éviter la plantation de haies mono-spécifiques.

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Plantes de services

Les engrais verts, couverts végétaux et bandes fleuries sont regroupés sous le nom de plantes de service. Elles rendent des services agrosystémiques au verger en enrichissant le sol en matière organique (lors de leur décomposition), en luttant contre les adventices et en privilégiant la présence d’auxiliaire et de pollinisateurs.

Retrouvez les résultats de 18 essais menés en 2022 (inventaire de la faune et de la flore et comptages des ravageurs/auxiliaires sur les amandiers).

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